Lauréat Bourse du Talent 2025 : Santanu Dey

Brackish Tears

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Avec « Brackish Tears » Santanu Dey présente un projet de recherche au long cours mêlant documentaire et fiction, qui explore les conséquences profondes de la Partition de l’Inde en 1947 sur la région du Bengale. Le projet examine comment le colonialisme britannique a exacerbé les divisions religieuses, fracturant le sous-continent et laissant des cicatrices durables sur l’unité régionale. À travers des récits personnels de déplacement, ce chapitre met en lumière l’impact persistant sur les réfugiés issus des classes populaires, leur oppression hiérarchique et leurs souvenirs précieux, révélant l’héritage complexe du colonialisme, du nationalisme et du communautarisme à travers les générations.

« Des millions de minorités religieuses ont migré vers l’Inde depuis le Pakistan oriental après la Partition de 1947. Tandis que les castes supérieures et les élites ont pu se réinstaller dans diverses régions du pays, les réfugiés issus des basses castes ont été relégués dans des camps hostiles du Dandakaranya. En 1977, le parti du Front de gauche remporte les élections au Bengale occidental, promettant de réinstaller les Namshudras (castes inférieures) sur l’île de Marichjhapi, dans le delta du Sundarbans. Peu après, le gouvernement revient sur sa promesse et restreint l’accès des réfugiés au Bengale.

Des milliers de réfugiés défient malgré tout les autorités et s’installent à Marichjhapi. En l’espace de deux ans, ils y construisent digues, routes, pêcheries, un dispensaire et une école. En réponse, le gouvernement régional isole économiquement l’île à l’aide de patrouilles policières maritimes. Le 13 mai 1979, les autorités incendient l’ensemble de la colonie, persécutent des milliers d’habitants et jettent leurs corps dans la rivière Raimangal. Le nombre exact de victimes reste inconnu, mais selon des témoignages oraux, les tigres de la région seraient devenus des mangeurs d’hommes après ce massacre.

Mon travail interroge ce massacre et remonte la structure de cette violence liée à la migration et à la réinstallation jusqu’au Mahabharata, une épopée hindoue ancienne qui influence profondément l’imaginaire culturel de la religion majoritaire du pays. Dans le récit, les Pandavas, issus de la caste supérieure et soutenus par Krishna et le dieu du Feu, brûlent la forêt de Khandava, délogeant les Nagas et les Mayas indigènes pour fonder la capitale de leur royaume, Indraprastha. À l’heure où montent le fanatisme religieux hindou et le nationalisme agressif, cet acte souligne une narration troublante de favoritisme divin, où le soutien inconditionnel des dieux aux puissants reflète un schéma d’assujettissement et de domination.

Bien que différents dans leur contexte, ces deux événements dialoguent, révélant une violence systémique enracinée dans les enjeux géopolitiques. Le massacre de Marichjhapi incarne de manière saisissante les préjugés profonds intégrés aux récits hégémoniques et à l’imaginaire mythologique. À travers mes photographies, je mets en lumière cet entrelacement asynchrone, en associant fragments d’archives et performances mythologiques, pour dévoiler les cadres discursifs qui légitiment les violences ethniques et les rapports de supériorité.

En tant qu’archiviste visuel, je construis un récit multidimensionnel autour de Marichjhapi — à travers portraits, objets, paysages, archives et témoignages oraux — afin de créer une archive visuelle qui donne voix aux déplacés et approfondit notre compréhension de la crise mondiale des réfugiés. »

Santanu Dey est un photographe émergent indépendant basé à Kolkata, en Inde, dont la pratique se situe à l’intersection de l’art, des récits culturels et de l’expérience personnelle, avec une attention particulière portée aux enjeux sociaux contemporains. Depuis 2017, son approche fondée sur la recherche, ancrée dans l’anthropologie culturelle et la photographie documentaire, explore l’impact social durable de la Partition de l’Inde de 1947 sur les communautés bengalies. Selon lui, un projet développe progressivement son langage et son esthétique au fil du processus de recherche. Sa pratique artistique se distingue par un engagement étroit et une implication intime, tant physique que psychologique. En tant qu’archiviste visuel, Santanu Dey établit des passerelles entre passé, présent et futur, tissant un récit riche nourri par l’empathie et sa profonde connexion aux communautés déplacées et marginalisées. Son travail mêle photographie, archives, peinture, histoire et mythologie pour créer des récits à plusieurs niveaux, reflétant à la fois son évolution artistique et sa compréhension sensible du monde qui l’entoure.

Le travail de Santanu Dey a reçu une reconnaissance internationale à travers des prix, des expositions et des publications. Il a été sélectionné par la World Press Photo Foundation comme 6×6 Global Talent Asia, et a reçu des bourses de Space Studio et de SACAC via la MurthyNayak Foundation. Il a remporté le concours de photo de presse Andrei Stenin et a exposé dans des festivals tels que Breda Photo, le Lumix Festival, la Sharjah Art Foundation, le Lodz Fotofestiwal, le Jakarta Photo Festival, l’Indian Photo Festival et le Kolkata Polyphony Photo Festival. Son projet Lost Legacy a été publié dans Witness Magazine et ASAPArt.

Site internet : https://www.instagram.com/shantonu_dey_/?hl=fr

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